Le prix Carmignac du photojournalisme est une initiative soutenue par la Fondation Carmignac.
Le Venezuela
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La lauréate
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Publication
Le Jury
12° Édition
Venezuela: The wells run dry
La 12e édition du Prix Carmignac du photojournalisme consacré au Venezuela et à ses défis humains, sociaux et écologiques a été attribué à Fabiola Ferrero.
Araya, État de Sucre, 6 mars 2022. Leobaldo Vásquez, 65 ans, ancien employé de l’exploitation de sel, écrit des poèmes sur l’âge d’or de la compagnie : « Mon coeur se déchire à la voir tombée en ruines, et avec le temps, ils en ont même fait des déchets », dit l’un d’eux.
Démocratie riche et prospère dans les années 1960-1970 le Venezuela, cet ancien eldorado latino-américain bordé par la mer des Caraïbes détient les premières réserves pétrolières du monde devant l’Arabie Saoudite et de vastes ressources minières (or, fer, acier, coltan...). 20 ans après la révolution bolivarienne, portée par Hugo Chávez et ses réformes socialistes radicales, le pays peine à s’extirper d’une crise économique profonde, marquée par la chute du cours du pétrole, une corruption endémique et une hyperinflation (2 700 % en 2021).
En à peine 7 ans, son PIB a chuté de 80 % et ses importations ont été divisées par 10. Face à cette récession persistante, l’économie informelle et parallèle se développe. Alors que les résultats des dernières élections n’ont pas été reconnus par la communauté internationale, le bras de fer entre le régime chaviste au pouvoir de Nicolás Maduro et le leader de l’opposition Juan Guaidó divise la société vénézuélienne. Ces blocages institutionnels ainsi que les accusations de fraude électorale ou d’emprisonnements politiques engendrent de nombreuses manifestations et affrontements.
Ces tensions, combinées aux problèmes d’insécurité, ne font que dégrader les conditions de vie des Vénézuéliens, dont 75 % d’entre eux sont en situation d’extrême pauvreté et subissent de graves pénuries d’eau courante, de nourriture et de médicaments.
À ce jour, 6 millions d’entre eux, soit 1 habitant sur 6, ont pris la route de l’exil pour s’installer en Colombie, au Pérou ou en Équateur, provoquant la crise migratoire la plus importante au monde, juste après la Syrie.
Fabiola Ferrero s’est rendue dans des lieux qui étaient autrefois des symboles de prospérité, à la recherche des vestiges d’une réussite économique disparue. Son reportage l’a menée à travers tout le pays, photographiant les industries du pétrole et du sel en déclin et les communautés qui en dépendent, les universités pillées et abandonnées, et les dernières traces laissées par les Vénézuéliens qui ont décidé de quitter le pays pour un avenir meilleur. Mêlant images d’archives, vidéos et photographies, Ferrero chronique le ralentissement économique de son pays et les conséquences pour sa population. Elle compare son projet à la tentative de photographier un lac avant qu’il ne devienne un désert.
Plus de six millions de Vénézuéliens ont quitté leur patrie. Mes parents, mes frères, mes plus proches amis, moi-même. Un par un, nous sommes tous partis. J’ai vu mon pays en devenir un autre et mes souvenirs se brouiller, comme si je me regardais enfant à travers une vitre embuée.
Je suis revenue en 2022, deux ans après avoir émigré, et quand je me suis vue au milieu de ce délabrement, j’ai cherché refuge dans les souvenirs — les miens et ceux des autres. Dans ce reportage, je me mets en quête des vestiges du pays pétrolier prospère dans lequel j’ai grandi. Et de la mémoire d’un temps d’avant l’effondrement.